Sandokai de Sekito Kisen - Bouddhisme Zen

SANDOKAI de SEKITO KISEN Poème 1 V1 – L’esprit se transmet secrètement

Esprits et Pratiques de la méditation zen

Vers 1 à 4 du Sandokai – L’esprit du grand sage de l’Inde

L’esprit du grand maître s’est transmis intimement de l’Est à l’Ouest,
Il y a des différences dans la personnalité de chacun
Considérant l’origine de l’homme, il y a intelligence et idiotie
Sur la voie, il n’y a ni Nord ni Sud

Traduction Taisen Deshimaru

L’esprit du grand sage immortel de la haute montagne,
  L’Est et l’Ouest se coordonnent dans le plus grand secret
Considérant la nature humaine, il y a intelligence et idiotie
La voie n’a pas d’ancêtre ni du Nord ni du Sud

Traduction Reijo YB

道 人 東 竺
無 根 西 土
南 有 密 大
北 利 相 仙
祖 鈍 付 心

Sandokai - La paire des contraires

Version Anglaise The mind of the great immortal, East and West secretly support each other. People are intelligent or idiot. But the way has neither a North or South ancestor

Version JP Japonaise : Chikudo daisen no shin. Tozai mitsu ni aifusu. Ninkon ni ridon ari. Do ni namboku no so nashi.

Version Hán Việt : Trúc Tổ Đại Tiên tâm . Đông tây mật tương phú . Nhân căn hữu lợi độn. Đạo vô Nam Bắc Tổ.

Les essentiels du Sandokai de Sekito à travers Sokei Daichi, maître zen japonais du 13ème siècle

La grande assise de cette maison est la pratique du véritable enseignement du Bouddha.
La méthode pour avoir un contact avec quelqu’un est au-delà du sens ordinaire.
Il ne s’agit pas d’intelligence ou de non-intelligence.
Le visiteur observe avec équanimité que la couleur de la montagne est bleue.

Sokei Daichi (1290-1366), Traduction de Taisen Deshimaru

A l’image du poème de Daichi, M. Sekito Kisen aborde dès le premier vers la question de « la transmission de l’esprit » ou I SHIN DEN SHIN en japonais. Qu’est-ce que l’esprit ? Et comment peut-on transmettre l’immatériel, ici l’ESPRIT ? C’est le secret absolu du zen et de ses maîtres, depuis Bodhidharma qui, dans le premier recueil du Sho Shitsu Roku Mon, lit. Les six portes d’entrée du mont Sho (Shaolin), évoque la question lors d’un mondo:

Qu’est-ce que l’esprit ?

C’est votre esprit qui m’interroge. C’est mon esprit qui vous répond.

Nous connaissons tous la prise de contact entre Taiso Eka (487 – 593) et Bodhidharma. Les historiens racontent que ce fut lors d’une nuit froide où il y avait « une grande neige ». Taiso Eka se tenait debout, la neige le recouvrait jusqu’aux genoux.

La transmission secrète de l'esprit du grand maître d'Inde, l'aiguille de zazen

Zazenshin Shobogenzo Dogen

Zazenshin, l’aiguille de zazen. Dans l’ancienne Inde, une bikkhuni conduisait un coche quand elle rencontra sur son chemin un homme qui se flagellait. Choquée, elle s’arrêta et réprimanda sévèrement l’homme : « Vous faites preuve d’une grande stupidité, hélas très commune ! Dites-moi, quand le char n’avance pas, que faufrait-il battre ? Le cocher ou le carrosse, c.à.d l’esprit ou le corps ? »

Note: Nombreuses sont les religions qui s’orientent vers la réprimande du corps, l’Inde de l’époque n’y a pas échappé. Malheureusement, seul le corps matériel est visible, pour ce qui est de l’esprit, c’est la question fondamentale à laquelle les adeptes de la Voie se confrontent chaque instant, l’instant d’une respiration ou l’instant d’une pensée. Quant aux neurosciences, toutes les difficultés sont concentrées sur la plasticité du cerveau.

Shakyamuni parle de la Voie du contrôle de l’esprit, Taiso Eka recherche la Voie de pacification de l’esprit, d’autres cherchent à « Toucher l’esprit » mais qu’est-ce que l’Esprit, le Cerveau, le Mental ? Et pourtant tout-un-chacun s’y identifie machinalement, à son Esprit Intouchable, Invisible, Indicible.

Histoires Zen Histoires d'Esprit et du Corps - L'interrogation

Dans ce premier poème, M. Sekito aborde immédiatement l’essence du zen et de son propos au sujet des esprits, l’Esprit-Deux mais aussi ce qui est nommé le Vrai Esprit ou le Bouddha-en-Soi. M. Sekito nous enseigne ici comment aller à la rencontre de ce qui est fugace tout en n’apparaissant pas, ne disparaissant pas, et le périssable, constamment changeant avec les circonstances et qui pourtant impulse notre vie phénoménale.

 

Initialement, Taiso Eka, frappé d’une maladie de peau, interrogea son prédécesseur « Mon esprit est terriblement tourmenté, je vous prie de le pacifier » – Va rechercher cet esprit et montre-le moi, je te le pacifierai ! »

Après quelques années de vaine recherche, Taiso Eka revint vers le fondateur de toutes les écoles zen et dit : » Je ne parviens pas à trouver l’esprit ! ». Bodhidharma répond alors dans une grande tranquillité : « Alors, je l’ai déjà pacifié!« 

Qu‘est-ce-que mon corps-esprit ? Une personne questionna le bouddha Shakyamuni : « Quand une personne est née, qu’est-ce-qui est née en réalité ? – Rupa (skt.), Un nom et une forme, Un corps et un esprit – un corps-espritDans le bouddhisme primitif, en matière de corps et d’esprit, il est habituel de se référer aux « trois corps du bouddha »:

  • Dharmakaya, le corps universel de l’esprit cosmique, le corps du Dharma qui est sans forme et par conséquent, non visible à nos seuls yeux. Bien que présent chez tous, sa perception demeure secrète et rare, car dépend des qualités de pratique, des moteurs, de la sincérité de chacun (cf. Les six paramitas). Ici, la diligence est très importante, elle est souvent symbolisée par une flamme placée au-dessus de la tête des sculptures de bouddhas.
  • Rupakaya, le matériel ou le corps-esprit physique et visible ou encore le corps phénoménal qui reçoit les rétributions – karmiques.
  • Nirmanakaya, le corps d’attribution, le corps fonctionnel, le corps-action qui agit et influence le Dharmakaya comme le Rupakaya, qui n’en sont pas séparés.

Ces trois corps forment un tout, votre corps, dit le Bouddha. Cependant, pour le toucher – et non discourir à ce propos -, chacun ne peut avoir recours qu’à sa propre pratique, le chemin du langage s’avère inutile ici, en effet, les mots ne peuvent que nous amener sur les méandres de la pensée discursive, tout en nous éloignant de notre nature originelle et permanente. Comme au temps du chan, le bouddhisme se reconnaît dans l’expérience et l’épreuve des pratiques non discursives, en ce sens, la Voie ne saurait résider dans les mots qui ne peuvent communiquer, c’est l’esprit du mot « secret » qui figure dans le poème 1. 

La transmission de l’esprit à esprit ou « l’esprit-un » se réalise dans le plus grand secret, à notre insu. Ceci n’est point une évidence, il faudra le reconnaître dans son propre corps périssable – et non dans le ciel, non à notre mort -.

A noter que dans l’enseignement du Bouddha, on ne préjuge d’aucune fixité, d’aucun Dharma (médecine, solution) figé. Tout se réalise ou ne se réalise pas dans l’instant cosmique. Et, en ce sens, tout est réel et s’adapte à chaque instant, à chaque personne, dans sa singularité. Il n’y a pas de remède universel aux maux de l’esprit et du corps mais une aiguille d’acupuncture, qui se place sur le point à l’origine du mal, à l’instant juste (cf. Biographie de Sekito Kisen, les Dialogues ou Mondo marquant).

 

Sandokai - L'esprit deux qui divise le regard

L’Esprit du grand immortel de la montagne vient de l’Est (Inde), il se coordonne avec le corps-esprit ou l’esprit phénoménal qui est né à l’Ouest, dans une parfaite harmonie. 

Dans les textes anciens, il est d’usage d’insister sur le dharma du non-deux (jap. Funi, zh.  不二 ), c’est le seul et l’unique Dharma pour la réalisation du Vrai Moi, du Vrai Zen, pour nombres d’écoles bouddhistes et d’écoles du zen.

Ainsi, la nature des choses est non dichotomique (zh. 一如, jap. Ichi Nyo, Un-Ainsi) mais le regard ordinaire de tout-un-chacun. Également, l’Esprit Cosmique est UN (jap. Do-Ichi, Voie du Un) et intègre la totalité de l’univers. Ainsi, l’Esprit de Bouddha est UN et est permanent. Le Corps-Esprit phénoménal est multiple et soumis aux lois de naissances et morts

Grâce à son avancée, les neurosciences d’aujourd’hui constatent que notre cerveau est également non-deux, il ne fonctionne pas comme un interrupteur on/off mais plutôt à l’échelle des intensités (cf. Albert Moukheiber, Notre cerveau nous joue des tours).

À la source, la nature du Vrai Esprit et de l’Esprit phénoménal est Ku, vide.

Mais dès la naissance de l’homme, il s’ensuit discriminations, séparations, dichotomies: le mal et le bien, l’œuf et la poule, le Yin et le Yang … et bien sûr, le maître du Nord qui est trop attaché aux scriptures et le maître du Sud qui n’est pas moins attaché à la pratique dans le silence du verbe. À des fins d’expression de la Voie, M. Sekito Kisen utilise le contexte historique des schismes du Chan du Sud contre le bouddhisme promu par la cour du Nord, installée à Tchang An. Les zens du Sud et du Nord furent respectivement nommés « Zen du Sud » ou Soshi Zen, le Zen des Patriarches et « Zen du Nord » ou Nyorai Zen, le zen du Bouddha.

Avec le Samouraï zen, le zen des combattants, un mouvement annexe naîtra également dans le sud, il vit l’adoption de la pratique de la méditation, l’éducation du Chan par la population des soldats qui étaient sans cesse appelés à combattre pour l’expansion de l’empire, en direction de l’Ouest et du Sud, vers l’actuel Vietnam dont les territoires situés à l’extrême sud de la Chine – nord du Vietnam (zh. Baiyue ou Yuenan) – avaient déjà été annexés à l’empire de Chine vers -220 avant J.C.

Dans l’histoire du Chan, de nombreuses discriminations s’ensuivent: Le zen de l’éveil immédiat et le zen dit progressiste, les cinq écoles officielles du zen, le zen Rinzaï et le zen Soto, … Keiho Shumitsu avait répertorié une centaine d’écoles puis mis en évidence trois tendances majeures adoptées par les écoles du Nyorai zen puis trois tendances majeures pour le Soshi zen employées par les écoles du zen du Nord, plus attachées à la cour. M. Keiho Shumitsu précisa que son objectif est de démontrer que tous les enseignements étaient exacts, sous la perspective de la vacuité originelle, de l’inconscience cosmique (ce dernier terme est emprunté à M. Taisen Deshimaru). Si les schismes furent initiés, séparant les esprits des écoles qui se basaient sur les études scripturales des esprits des guerriers, de la masse populaire composée d’hommes ordinaires, ils sont infondés.

Nous pouvons retenir cette réponse de M. Sekito. Un homme lui posa cette question : « Comment devenir Bouddha ? » – Il n’y a pas d’homme ordinaire – de Bompu.

M. Keiho Shumitsu établit également une liste composée dix maîtres renommés dont Sekito Kisen et son homologue Baso, les décrivit de manière assez précise avant de procéder à son classement. Plus particulièrement, on retiendra les enseignements du « patriarche cheval », Baso DoIchi et Sekito Kisen, respectivement, l’école de l’existence totale (zh., jap. U enseigne que tout existe dans sa particularité et différence, tout est vrai et substantiel, dharmas (remèdes) comme illusions, elle « s’opposerait » à l’école de la non-existence ou l’école de la vacuité (zh., jap. Ku) qui voit que « tout est vide et irréel ».

Dans le zen, les maîtres énoncent aussi a « Ni esprit ni Bouddha ». Ici il n’y nul endroit où s’appuyer et demeurer, car tout ne résulte que de la seule fabrication de l’esprit.

Note: Pour plus de détails, se référer à la page annexe correspondante « Maîtres et Pratiques au temps du Chan ».

Dans le ZenGen Shosenshu Tojo,M. Keiho Shumitsu émet la remarque que ces écoles s’opposent sous la perspective du relatif mais dans l’absolu, elles se rencontrent, se rejoignent et se soutiennent car à l’origine, leurs substances sont « Ku » et donc, sans singularité tangible.

Ici, à l’origine, le principe est identique car dénué de toute fixité, de dogme, de définition. Tous les enseignements sont justes et adaptés à leurs audiences cependant ils sont perçus comme distincts, en raison de l’attachement des maîtres. Effaçant amour, passion, l’attachement « au moi », ils se rencontrent alors dans la nudité de leur propre et même nature réelle, la non-substance fixe.

Dans le Sandokai, M. Sekito composera ces vers « Se soutenant, ils se rencontrent. Ne se soutenant pas, chacun reste sur sa position. »

Dans le même esprit, avec une grande pertinence, maître JO déclara : « La sagesse Hannya est sans conscience particulière, aussi elle n’ignore rien. »

Tous peuvent apprécier la juste expression de M. Deshimaru qui nous enseigne « Le point zéro de l’esprit » – Shinku, la vacuité originelle et authentique.

Le point zéro de l'Esprit - De l'Originel, du Vrai, du Relatif

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Le retour vers l'esprit du grand maître originel

Dans le titre et les premières strophes, Sekito Kisen (700-790) 石頭希遷, en chinois Shitou_Xiqian , introduit le thème de l’œuvre, la question de l’esprit non-dualistique à l’origine, de son dérivé humain qui distingue, évalue. Et finalement, Sekito interroge le disciple du Chan:

Seriez-vous capable de réunir les deux pièces du contrat signé à votre naissance en  retrouvant le point zéro de l’esprit à l’origine, avant la pensée ?

Est-il possible que vous vous arrêtiez seulement le temps d’une respiration, de vous identifier à l’humain, au matériel visible et de vous limiter, di facto, à vos capacités physiques, à vos facultés cérébrales, psychiques, physiologiques.

De quel bois êtes-vous constitué ? Quelle est votre vraie nature ? Quel est le visage de vos parents, avant votre naissance ?

Et en final, où serait localisé notre esprit, à l’intérieur du corps ou à l’extérieur, à l’intérieur du cerveau ou à l’extérieur ? C’était une question fermée posée par Shakyamuni à Ananda.

Conscience de l'esprit pendant zazen par Deshimaru

Pour ses propos, Sekito se servira du contexte fort clivant de l’époque qui a vu le deuxième schisme significatif, à l’origine de la création du zen Chan au 7ème siècle. Ici, on tente de se démarquer des enseignements perçus comme « entièrement théoriques » du bouddha.

Note: Ne pas oublier que pour la masse populaire d’antan, l’écriture était totalement inaccessible, le peuple ne connaissait donc l’enseignement qu’à travers prêches et sermons. Nul doute que la pratique de zazen, la pratique des six paramitas – les six voies – et toutes autres pratiques faisant intervenir le corps, sont vues comme « concrètes » et réelles.

A l’inverse, la pratique de l’esprit de zazen conserve tout son secret et son intimité, très particulière à chacun, à chaque forme phénoménale.

Naturellement, en matière de religion comme dans la vie, personne ne remet en question « le moi », « son corps », « son esprit », excepté les philosophes et les Mahayanistes.

Pour les écrits, on avait recours aux écrivains publics, copistes (tel Maître Jo). Parallèlement, la lecture des décrets administratifs se faisait à haute voix, dans les places publiques.

Tel Bodhidharma, on veut faire fi de tous mots, lettres et paroles pour revenir vers le point zéro qui est la nature même de l’esprit originel. On ne s’agrippe plus alors à la pensée et l’intention pour y trouver une forme d’existence relative.

Comparativement, les écoles tibétaines s’appuient plus sur la visualisation, la pratique des mantras et sutras que sur le silence total, encore nommé « silence d’extinction » dans la langue du Bouddha.

 

KueiFeng ZongMi, en jap. Keiho Shumitsu (780 – 841) 圭峰宗密 , premier historien du Chan et patriarche du zen du Sud ainsi que du Kegon, répertoria plus d’une centaine d’écoles qu’il classifia précisément, en fonction de leurs méthodes et enseignements. Pour ce faire, Keiho Shumitsu détailla les différentes pratiques du zen Chan, les méthodes d’entraînement de l’esprit, les prêches … dans son œuvre magistrale composée de plusieurs volumes « Aux Origines du Zen », malheureusement, il ne nous reste que la préface, ZenGen Shosenshu Tojo 禪源諸詮集都序.

Comment retrouver l’unicité du Corps-Esprit Shin Jin Ichi Nyo ( 心 身 一 如 ) ainsi que l’authenticité de l’esprit originel Shin Ku dans l’instant sera le contrat (jap. Kai) à appliquer par chacun.

Vous devez toucher la substance sacrée de votre esprit et quitter les vues au sujet d’une existence permanente du matériel (jap. joken) ou d’une inexistence de l’immatériel (jap. danken). Extrait de Histoire des 33 maîtres zen de la Chine ancienne, HT TTTu

Traçant le patriarche du Nord nous avons fabriqué le patriarche du Sud, traçant l’esprit de l’Est nous avons fabriqué l’esprit de l’Ouest mais le Dharma est totalement intégré aux phénomènes quels qu’ils soient, le Vrai réside partout et de tous temps, il est par conséquent inlocalisable.

Mais qu’est-ce que Ku, le vide, dans le bouddhisme ?

Nous dessinons l’esprit et en fabriquons les couleurs à un rythme effréné, 84000 pensées à la seconde, nous avons nos idées propres, préjugés même à propos du bouddha et du Dharma seulement, tout demeure du domaine Relatif mais emplit le réservoir mémoriel karmique, la conscience Alaya.

 

Zen, Cerveau, Pensées, Neurosciences
Nous dessinons et nous fabriquons notre esprit

Le Vrai-Esprit ou L’Esprit de zazen ou L’Esprit de Bouddha ou le Non-Esprit ou le Non-Moi conserve toujours tout son secret.

Ainsi, sa rencontre avec l’esprit phénoménal, appelée « I shin den shin » se réalise toujours dans la plus stricte intimité, et le plus souvent dans notre non-conscience, avant la pensée, avant le mot ou au-delà de la pensée, au-delà du discursif.

Certaines fois pourtant, il nous est donné de reconnaître cet instant intime, en zazen ou dans d’autres postures quotidiennes.

Note: Une des écoles du bouddhisme tibétain est appelée « L’école du secret ».

 

Dès le début du traité, Sekito Kisen indique clairement sa non-appartenance au schisme séparant bouddhas et patriarches, qui n’est que la seule manifestation de l’esprit-deux. Cela lui a valu le surnom de « L’école où aucune pointe d’aiguille ne peut traverser – Ici, rien n’est reconnu comme existant. Il n’y a ni matériel ni immatériel. Il n’y a pas de prise d’objet par le sujet. » 

Le Ku du langage des mots, cela sonne creux et vide

Dans le zen Chan, pour venir à bout des mots, de la parole,  l’art d’avoir raison avec l’argument et le discours, les patriarches du zen Rinzaï innovent avec le Koan – question publique, tribune publique – , la question qui coupe toute logique discursive.

Histoire zen: Lors d’une séance de questions-réponses, le maître Chan présenta une cruche et posa la question suivante :  » Si vous ne pouvez nommer cet objet « cruche », comment ferriez-vous ? Plusieurs réponses furent esquissées, des synonymes furent suggérés … Quand Joshu arriva sur les lieux, il se contenta simplement de briser la cruche d’un grand coup de pied, à la grande satisfaction du maître de séance. »

Koan ou Tribune Publique: Dans le zen Chan, l’éminent shamon zen Dai-e (1089-1163) 大慧宗杲(zh.Dahui Zonggao), figure de proue du zen Rinzaï (?-866) 臨済義玄 , créa la pratique du Koan 公案litt. exposé publique / tribune. 

Parallèlement, il fit brûler toutes les copies du Hekigan Roku, litt. Recueil de la falaise verte avec ses 200 koans commentés, il voulait définitivement en finir avec LE MOT. 

Seulement, on a pu reconstituer une copie qui deviendra la référence du zen Rinzaï jusqu’à aujourd’hui. On raconte que M. Dogen fut si impressionné à la lecture du Recueil de la falaise verte qu’il recopia lui-même les 200 koans durant son séjour en Chine. Et finalement … M. Eihei Dogen rédigea lui-même un recueil important de Koans qui fut continuellement copié puis retransmis jusqu’à nos jours.

Le Koan est un dérivé d’une pratique appliquée pour la méditation du zen Chan d’antan. Appelée Hua Tou 话头 litt. la phrase de tête – la phrase qui guide, oriente – , elle en devient presque obsédante pour le pratiquant qui vit avec, même durant la méditation, ce dernier pourra l’utiliser comme un moyen, un outil pour sa pratique de concentration-observation et ainsi, il évite de se disperser dans les pensées. 

Contrairement aux idées communément véhiculées, le KOAN est une question qui n’appelle pas à être résolue mais une phrase qui oriente le disciple dans sa pratique de la Voie, avec son corps et son esprit.

Coupant l’accès au cognitif, on tente d’aller dans d’autres univers de conscience, qui diffèrent selon les écoles du bouddhisme (voir annexe Les neuf consciences) cependant s’il y a conscience, il y aurait un être existant qui demeurerait persistant, voire permanent ?

La substance d’éveil de l’Esprit demeure depuis les temps sans commencement et illumine en silence, sans trace, sans discontinuité, sans distinction.

Pensée et Cerveau sous la perspective des neurosciences

En neurosciences cognitives, on pourrait dire que le système de fonctionnement de la pensée karmique est ledit Système Heuristique. L’alternant est le système d’Homéostasie Cognitive (voir poème 2)

… Le cerveau a toujours un penchant pour ce qui fonctionne par paire: le bien et le mal, la droite et la gauche, le chaud et le froid … Or, il n’existe quasiment aucune preuve empirique pour appuyer l’idée d’un fonctionnement binaire du cerveau humain. 

Extraits du livre « Votre Cerveau vous joue des tours », Collection J’ai  Lu, A.Moukheiber

… Le cerveau humain fonctionne plutôt de façon dimensionnelle que binaire. Il serait moins proche d’un interrupteur qui n’a qu’une fonction on/off que du volume d’une radio que l’on peut moduler graduellement.

Bodhidharma attribuée à Kano Sanraku, Peintre du 17è siècle

Si l’usage du langage, des pensées et des mots est, depuis toujours, une question primordiale du zen Chan, il est un des thèmes majeurs d’étude pour les neurosciences cognitives d’aujourd’hui.

 

De nos jours, l’avancée dans les travaux de neurosciences démontre largement des biais cognitifs qui orientent nos pensées,  notamment à travers la linguistique.

Nos ancêtres du zen Chan n’avaient pas totalement tort d’incriminer le discursif et ses mots, lettres, paroles.

Pourtant, il s’agit de la nature même du fonctionnement du cerveau qui ne peut s’y déroger, nous sommes et devrons donc être condamnés à être subjectifs et interdépendants. Par conséquent, le Vrai, l’Objectif, l’Absolu nous échapperait toujours, si nous suivons les conclusions actuelles.

Cependant les neurosciences cognitives comme le bouddhisme nous encourage à appliquer le principe de l’interdépendance et se référer aux autres pour tenter d’atteindre le Vrai. De même, comment passer par le sans-langage et sans-cerveau ou plutôt avec le sans-langage et un esprit qui serait à la fois à l’intérieur et extérieur, matériel et immatériel, limité et infini à la fois ? Jadis, Shakyamuni avait déjà montré à Ananda le chemin.

Face à un réel multiple et complexe, nous sommes sujets à l’approximation, à l’illusion et à l’erreur. Ces mécanismes cérébraux nous permettent de construire une vision cohérente du monde. Mais trop souvent ils nous font perdre notre lucidité, nous enferment donc à priori et nous détournent des autres. Albert Moukheiber, Notre cerveau nous joue des tours.

Zen Soto Japonais, Poème de Sokei Daichi

Enseignement à un shamon

Reconnaissant l’atman dans la montagne des cinq agrégats
Quel dommage de l’appeler la substance de notre esprit.
Cette racine et cet objet de poussière s’évanouiraient
Seul le corps véritable doit être exposé dans tous les phénomènes

.

 

Histoire Zen, une question de Secret du Vrai Esprit ou l'Histoire du diable qui ne peut pas voir

Quand il s’agit d’esprits et de secrets, il est difficile de montrer aussi, nous avons choisi d’illustrer avec une histoire zen, une méthode millénaire d’enseignement et de transmission dans le zen. Voici l’histoire d’un diable qui ne peut pas voir.

Une personne vient interroger un maître zen, en présence de M. Tozan Ryokai (807-869) 洞山良价. 

Elle dit : « Une histoire zen dans l’enseignement m’intrigue aussi j’ose venir vous questionner. Je vous conte l’histoire avec mes termes:

– Le dieu du fleuve jaune – dieu des morts similaire au dieu grec Hadès – a dépêcher un diable auprès d’un maître zen terrestre, en effet, son cycle karmique se termine, il devra incessamment rejoindre le royaume du fleuve jaune. Apercevant le diable, le shamon zen lui demanda de lui accorder un délai de sept jours, il plaida : « J’étais en charge de nombreuses tâches et je n’ai pas pu pratiqué assez aussi, je vous en prie, vous serait-il possible de transmettre ma demande auprès du dieu du fleuve jaune, j’ai besoin d’une seule semaine ! Le diable acquiesça et dit avec une grande sollicitude : « D’accord, je vais m’enquérir auprès du Dieu du fleuve jaune, si l’autorisation est accordée, je reviendrai dans sept jours. Dans le cas contraire, je reviendra aussitôt. »

Le diable ne revint pas dans les sept jours qui suivent. Quant au shamon zen, il se met à pratiquer intensément nuit et jour. Comme si une flamme le brûlait, il ne perdit pas un seul instant. Le délai accordé se terminant, le diable retourna voir le shamon zen comme il a été prévu. Mais, à sa grande surprise, il n’arriva pas à trouver le maître zen, bien qu’ayant fouillé de fond en combles, il ne le vit nulle part et rentra bredouille au royaume des morts.

… Après cette narration, la personne poursuit:

– L’histoire se termine ainsi avec le diable qui ne parvient pas à voir mais je ne peux m’empêcher de m’interroger :

« Et si le diable avait pu voir le shamon zen, qu’aurait-il fallu faire ? « 

M. Tozan Ryokai, qui était toujours présent aux côtés du maître zen, s’est permis de répondre, en lieu et place du maître zen : 

– « Vous voyez, la question prend place dans votre esprit, dans votre pensée – le diable l’aurait certainement vu si une telle idée lui avait traversé l’esprit ! »

Heureusement, en sept jours seulement de pratique, il a réussi à ne laisser aucune trace et alors, le diable ne peut plus le voir !

L'esprit de bouddha, l'éveil se transmet-t-il ?

L'homme du Sandokai n'est ni bouddha ni bompu

 

« Shin Fu Ka Toku ! » 心 不 可 得, l’esprit ne peut être saisi. Alors comment accéder au Vrai Esprit ?

Bodhidharma a-t-il transmis une quelconque chose à Eka son successeur sinon un questionnement ?  

 

Les êtres vivants ont des facultés plus ou moins aïgues

Il importe de comprendre que les êtres animés ont des facultés plus moins aïgues

Cependant,

Sous l’œil de l’esprit qui, face au vide, ne regarde rien, il n’y a ni bouddha ni être ordinaire.

Il existe seulement une substance et sa fonction, ses aptitudes physiques, psychiques et cérébrales.

Ni Bouddha ni Maître en ce monde ni même à l'Est. Sokei Daichi (1290 - 1366)

Gu Saku, le poème par hasard

Quand avec notre corps, nous sautons par-dessus la montagne de fer qui ceint ce monde
Nous pouvons regarder directement la lumière du Soleil et de la Lune.
Il n’y a ni Bouddha ni maître en ce monde, ni même dans le monde de l’Est – l’Inde,
Le joli chat de la fleur noire a un corps tacheté.

Sokei Daichi (1290-1366), Traduction Taisen Deshimaru

© Ed. An Nam 2016, Reijo YB